Meteo Protect : la donnée au cœur d’un nouveau modèle d’assurance

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Diplômé de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale de la Statistique et de l’Administration Economique (ENSAE), Bernard Finas est membre de l’Institut des Actuaires.

Il a commencé sa carrière au sein de SCOR, puis à Agritel, avant de rejoindre Meteo Protect en 2014 comme responsable de la souscription et du développement produit. Il a animé le séminaire du big data le 12 avril dernier. Son intervention était axée sur la construction de la couverture indicielle du risque météo: Solution apportée par Meteo Protect pour aider les entreprises à se couvrir des risques liés à la météo.

Risques météo

Il y a un an Janet Yellen, présidente de la FED, invoquait des conditions météorologiques adverses pour expliquer la contraction du PIB américain au premier trimestre 2014. Transports paralysés, factures énergétiques en hausse pour les ménages, dégâts de gel sur le blé d’hiver des Grandes Plaines et sur les orangers de Florides, etc, la vague de froid historique qu’a connue le continent nord-américain au début de l’année 2014 illustre bien la vulnérabilité de l’économie aux risques météo.

Parmi les secteurs les plus directement concernés par le risque météo se trouvent l’agriculture et l’énergie.

En agriculture, les conditions météorologiques expliquent une grande partie des variations des rendements des cultures d’une année sur l’autre. En cas de météo défavorable, le producteur souffre d’une mauvaise récolte.  Si le problème météo s’étend à tout un bassin de production se sont aussi les organismes stockeurs et les industriels de la transformation qui voient leurs marges baisser, faute de pouvoir amortir le coût de l’outil de production sur un volume suffisant. Parce qu’elle crée des déséquilibres entre l’offre et la demande, la météo est aussi responsable d’une part importante de la volatilité des prix qui peut toucher jusqu’au consommateur final.

Dans l’énergie le risque météo concerne surtout la distribution et la consommation d’une part, et la production d’énergie renouvelable d’autre part. Les distributeurs d’énergie vont être pénalisés par un hiver trop doux pour lequel la demande en chauffage serait faible. A l’inverse, les consommateurs redoutent un hiver trop rude qui ferait grimper la facture de chauffage. Pour les producteurs d’énergies renouvelables, s’il manque de vent, de rayonnement ou de précipitations, alors le volume d’énergie produit diminuera.

Couvertures indicielles

Pour aider les entreprises et les institutions à couvrir les risques météorologiques, Meteo Protect développe des solutions de couverture indicielles.

A la différence d’un contrat d’assurance traditionnel, où le montant de l’indemnité est déterminé par le niveau de la perte réelle (on parle alors de modèle indemnitaire), le paiement d’une couverture développée par Meteo Protect donne lieu à un paiement qui est entièrement déterminé par le niveau d’un indice.

Le modèle indiciel ou paramétrique présente de nombreux avantages sur le modèle indemnitaire. Tout d’abord, la gestion des sinistres est simplifiée et le versement de l’indemnité est rapide. Ensuite, l’assureur n’est confronté ni au problème d’anti-sélection (les personnes les plus à risque s’assurent le plus) ni au problème d’aléa moral (le comportement de l’assuré augmente le risque) dans la mesure où le risque est défini de manière objective et indépendante de l’assureur et de l’assuré (typiquement, les relevés d’une station météorologique).

En revanche le modèle indiciel est confronté à la problématique du risque de base, c’est-à-dire le risque d’écart entre le niveau de la perte réelle et le paiement de la couverture. Afin que le risque de base soit le plus faible possible, Meteo Protect procède pour chaque client,  à une analyse fine de météo-sensibilité en utilisant d’une part ses propres bases de données météorologiques et d’autre part les données économiques spécifiques à l’entreprise.

Pour les producteurs d’énergie éolienne, Meteo Protect a développé une méthodologie permettant de proposer rapidement, pour n’importe quel parc éolien dans le monde, non seulement une réévaluation de la ressource en vent mais également des solutions de couverture dédiées à travers son offre WEP Hedge.

L’exemple de l’éolien illustre à la fois l’intérêt de la gestion financière du risque météo pour les entreprises et la place centrale qu’occupe la donnée dans ce nouveau modèle d’assurance :

  • Evaluation du risque

Le modèle traditionnel de l’assurance indemnitaire se contente d’historiques relativement courts de sinistralité pour déterminer les lois de fréquence et de sévérité et donner un prix au contrat. Le modèle indiciel s’appuie quant à lui sur des séries historiques de plus de 30 ans à un pas temps infra-horaire et à une résolution spatiale très fine afin d’avoir la meilleure évaluation possible du risque physique.

  • Optimisation de la couverture – minimisation du risque de base

La problématique de minimisation du risque de base qui est absente du modèle indemnitaire constitue en revanche un véritable enjeu technique pour le modèle indiciel. La confrontation statistique des données historiques météo et des données économiques des entreprises permet de minimiser ce risque de base.

  • Evaluation du sinistre et indemnisation

Dans le modèle indiciel, c’est le niveau constaté d’un indice qui détermine le montant de l’indemnisation. Une condition d’existence du modèle indiciel est donc la capacité à accéder de manière rapide, indépendante et fiable à la donnée. Une condition de son déploiement est la capacité à traiter de manière simultanée et fiable, une masse importante de données. Lorsque ces deux conditions sont remplies, le modèle indiciel permet de réduire les frais de gestion des sinistres à quasiment 0 alors qu’ils peuvent atteindre jusqu’à 10% de la prime dans le modèle indemnitaire.

Nouvelles technologies et nouveaux marchés pour l’assurance

Le développement des technologies du Big Data offre des perspectives très intéressantes au secteur de l’assurance et au secteur de la gestion des risques en général. L’augmentation de la disponibilité, de la granularité et de la précision des données  ainsi que l’amélioration des technologies de traitement des données massives appellent le secteur à d’importantes mutations au niveau même des produits:

  • Evaluation du risque et tarification du contrat

Approche toujours plus scientifique de l’évaluation du risque, développement d’expertises dans la compréhension et la modélisation des événements générateurs de sinistre. Utilisation de mécanismes de réassurance indiciels pour optimiser le coût de la réassurance et améliorer le prix des contrats.

  • Evaluation du sinistre et indemnisation
    Recours de plus en plus systématique à des données extérieures (satellites, drone, etc.) afin de simplifier, rendre plus rapide et moins couteuse l’expertise des sinistres.

En particulier, la disponibilité des données et des technologies Big Data permettront le développement rapide de solutions d’assurances indicielles pour des risques où il n’existe pas encore de possibilité de couverture aujourd’hui. C’est précisément ce qui se passe aujourd’hui dans les pays en développement, en Afrique et en Inde notamment, où l’assurance indicielle se développe rapidement pour protéger les agriculteurs contre les risques climatiques.

Les data scientists ont donc un rôle majeur à jouer dans le développement et les prochaines mutations du secteur de l’assurance. Leur savoir et leurs compétences techniques seront à n’en pas douter un des principaux moteurs de l’innovation dans ce secteur.